Depuis presque un an, je travaille sur un livre jeunesse. Quand le livre apparaît enfin sous sa forme d'objet, c'est une satisfaction inimaginable car il faut une certaine ténacité pour venir à bout de ce genre de projet.
Cependant, j'aime bien quand l'objet reste simple et ne porte pas sur lui les nombreuses heures de travail, remise en question voir total découragement. J'aime que le dessin garde une fraîcheur, quelque chose d'assez spontané et surtout surtout, j'aime quand on sent que j'ai pris plaisir à faire chaque dessin. D'ailleurs, j'essaye toujours de garder ça à l'esprit, si je dessine et que ça m'ennuie j'arrête, car le dessin ne sera pas bon.
Bref, voici un petit résumé en images des différentes étapes de fabrication.
Ça a commencé comme ça, un petit croquis d'orang-outan. C'est Nénette, un grand singe de plus de 40 ans, pensionnaire de la Ménagerie du Jardin des Plantes de Paris mais également héroïne d'un superbe documentaire de Nicolas Philibert, Nénette (tourné en 2010).
À partir de ce personnage, une histoire nait et pendant quelques mois je dessine sans trop me soucier du livre, j'essaye juste d'obtenir une cohérence graphique qui me plaise. Je fais des regroupements entre certains dessins pour faire émerger des morceaux d'histoires. Puis le premier chemin de fer (mise en place des dessins dans une maquette, page à page) se profile, très vague encore.
Je commence à voir vers où je vais. Je refais des dessins pour compléter, j'en enlève d'autres.
Je refais un chemin de fer plus précis avec des photocopies de dessins, des morceaux de textes. Ils sont plus ou moins mis en place, mais tout sera encore beaucoup déplacé, c'est une sorte de puzzle.
Puis, après quelques semaines, je fais une petite maquette noir & blanc pour déterminer un format, vérifier que les illustrations dialoguent bien avec le texte. Et je commence à me préoccuper du nombre de pages, car si je calcule bien, cela me permettra de réduire le coût d'impression chez l'imprimeur (par exemple, un livre jeunesse fait généralement 48, 56 ou 64 pages car c'est le nombre idéal pour ne pas avoir de perte sur la presse offset).
Encore quelques mois de travail, des nouveaux dessins, un texte qui se précise et voici la première maquette en couleur. Le format ne sera finalement pas le définitif, la couverture changera encore plusieurs fois, l'ordre des pages également, mais c'est un début.
Les maquettes évoluent avec le temps, ce qui permet de faire des comparaisons, refaire certaines choses, en affiner d'autres. Les illustrations définitives sont scannées en haute définition et retouchées pour être intégrées dans la maquette finale.
Enfin, j'imprime une dernière maquette du fichier tel qu'il sera envoyé à l'imprimeur. J'ai commandé un échantillon de papier (celui qui sera utilisé pour l'impression offset) pour être sûre que le grammage est bien et obtenir une maquette la plus proche possible du résultat final. J'envoie le devis à l'imprimeur, puis le fichier. Rendez-vous chez l'imprimeur dans deux semaines environ pour le calage !
C'est ici que mon livre va être imprimé. Si ce bâtiment paraît grand, il faut savoir que ce n'est qu'un petit morceau. Au fur et à mesure de son expansion, l'imprimerie a annexé plusieurs autres hangars à proximité. Ce quartier de Barcelone s'appelle Poblenou et la station de métro la plus proche "Selva del Mar", c'est joli non ? C'est un quartier à la fois moderne et ancien. La zone où se trouve l'imprimerie est aujourd'hui très construite, ce qui n'était pas le cas à l'origine de son installation. À cette époque, on trouvait surtout des usines et des terrains vagues.
Voici les stocks de papiers... Impressionnants.
L'impression du livre commence. À chaque essais, les imprimeurs vérifient grâce à une machine ultra high-tech la colorimétrie de la feuille réalisée. S'il y a trop de jaune, de magenta, de vert, ils rectifient le paramétrage pour le prochain essais. On compare avec les originaux et une fois que la sortie est satisfaisante, on lance l'impression de la page concernée. Au final des quantités importantes de feuilles sont jetées, mais c'est le seul moyen d'arriver à un résultat parfait.
Tout ce papier va être imprimé en quelques heures à peine. Chaque feuille est aspirée par des minis ventouses puis une batterie de roulettes se chargent de les acheminer dans la machine. Les couleurs sont imprimées une par une, le cyan, le magenta, le jaune et le noir. En quelques secondes, des dizaines de feuilles sont passées dans la machine !
Sur la droite on aperçoit les repères qui permettent d'obtenir la colorimétrie de chaque feuille imprimée. Le tout est interprété par une machine qui établit ensuite un graphique sur lequel chaque couleur est exprimée en pourcentage.
Les pages sont imposées sur une feuille de 102 x 72 cm, en recto-verso. Ce n'est qu'après plusieurs pliages successifs que les pages seront dans le bonne ordre, en plusieurs cahiers.
Après avoir imprimé les feuilles, on les laisse deux jours de côté pour qu'elles aient le temps de sécher. Puis elles sont acheminées dans cette salle où elles seront pliées puis coupées.
Comme la plupart des livres sont cousus, on trie ici chaque cahier du livre pour les mettre dans l'ordre avant de les coudre.
Plusieurs machines traitent les différentes étapes du façonnage. Le dos est brochée, encollé puis recouvert d'un morceau de mousseline. Comme la reliure traditionnelle en somme.
En parallèle, la couverture cartonnée est assemblée et recouverte du papier de couverture. Une autre machine gère les couvertures souples ; le pliage — avec ou sans rabats — puis l'assemblage.
Le corps du livre est massicoté puis on colle les pages de gardes sur la couverture, c'est terminé !
Pour ma part le livre sera près d'ici une semaine puis envoyé dans la foulée. Une dernière interrogation... où vais-je bien pouvoir stocker tout ça ?
Un petit tour dans Barcelone pour profiter du beau temps et surtout de cette ville magnifique...